À fond la caisse avec le Paul DesLauriers Band !

Pierre-Yves Faucher

CHAMBLY – Les «Jeudis chauds» se poursuivaient hier soir à La Croisée des chemins, avec la troisième offrande de la programmation d’été avec le Paul DesLauriers Band, ce trio de style blues rock qui a décoiffé les foules européennes et américaines depuis le début de l’été. Et ce n’est pas terminé. Cette tournée estivale prévoit 30 concerts du premier juin au 26 août au Canada, aux États-Unis, en France et au Luxembourg.

Avant d’arriver à l’étape de Chambly, nos joyeux Travelling Bluesmen s’étaient produits mercredi soir à Port-Daniel en Gaspésie, une ballade en voiture de 900 km (9 h 30 heures de beaux paysages québécois) et repartaient aujourd’hui pour la Virginie-Occidentale pour participer demain soir au Heritage Music Blues Festival, une autre randonnée de 10 heures de route. Avec cet horaire infernal, ils doivent passer aux douanes et répondre à la question «Business or Pleasure» par « Pleasure and we mean business ! »

En tenant compte de ces paramètres, on aurait pu s’attendre à ce que la vitesse de croisière soit de mise pour cette prestation coincée entre deux dates programmées au bout du monde de part et d’autre de cette soirée.

Eh bien non, c’est la pédale au fond que la soirée débuta ! Parmi les premiers titres servis aux convives, Ten Feet Tall, une composition à la fois pesante et très mélodique aux allures de hit planétaire. Ma préférée.

Le menu comprenait des chansons originales principalement tirées de l’album éponyme et de Relentless en plus de quelques reprises. Mais quelles reprises ! La plupart du temps, il est difficile de faire mieux que l’original, mais là Love in vain (Robert Johnson) a été intériorisée, appropriée et propulsée à la sauce PDB avec un début de slide guitare aux airs de sitar indien pour se poursuivre par des modulations entre multiples temps doux et folie furieuse. Un train pas de breaks ! Un vrai délice !

Pour ce qui est de Not Fade Away, de Buddy Holly, ce dernier aurait eu peine à reconnaître son rejeton tellement le jeu de Paul DesLauriers et de ses comparses Sam Harrisson à la batterie et de Greg Morency à la basse l’a revigoré pour faire littéralement lever la salle.

Ce que j’aime de cette aventure musicale, c’est que ce projet est bâti autour de compositions originales. On peine à reconnaître les structures classiques du 12- bar blues et du couplet-couplet-pont-refrain.

Les chansons laissent beaucoup de place aux improvisations qui masquent bien sûr une structure bien réelle et maîtrisée tout au long de la soirée. C’est ce qui fait la force principale du groupe qui intègre les influences qui remontent aux années 70 dans le cas de Paul DesLauriers. On reconnaît des intonations de Jimmy Page et de George Thorogood par moments, mais attention, tout ça est canalisé par le médium DesLauriers !

Ajoutez à cela cette énergie livrée comme si c’était la dernière gig à vie, la table est mise pour une soirée enlevante. Eric Clapton a déjà déclaré que quand il commençait un solo, il ne savait pas trop d’une seconde à l’autre quel chemin il allait emprunter pour cheminer jusqu’à la fin, contrairement à  Stevie Ray Vaughn qui selon Clapton, par son jeu fluide, semblait en parfait contrôle de ce qui se passait dans son cerveau pour faire parler ses émotions avec ses doigts.

J’ai vu ça hier soir chez Paul DesLauriers. Un jeu inspiré puisant dans son lourd bagage de riffs et en parfaite maîtrise à tout moment de ses envolées à l’emporte-pièce. La complicité avec ses compadres qui assurent la partie rythmique de main de maître est plus qu’évidente et s’exprime musicalement avec quelques brins d’humour sans prétention. L’intimité de la salle y fait pour beaucoup, service de proximité en quelque sorte pour le plus grand plaisir des musiciens et des gens présents.

Un 3e «Jeudi chaud» consécutif présenté à «guichet fermé» à La Croisée des Chemins.

Basé à Montréal, le trio était visiblement très heureux de se retrouver à la maison, surtout Greg Morency qui est natif de Chambly.  Le sourire dans son visage était très éloquent quand la salle était debout à se déhancher exprimant un grand bonheur d’être là.  Comme nous d’ailleurs, c’était réciproque.

Un moment fort des Jeudis chauds ou serait-il plus juste de qualifier ce jeudi 9 août de torride ? Assurément!

Le «Grand Mestre» ès basse Grégoire Morency, de Chambly. (Photographies : André Corbeij ©)