Alerte à Malibu

On ne s’attendait certainement pas à un chef d’œuvre du 7e art, ni même à un bon film. À dire vrai, une simple comédie, truffée d’autoréférences et d’autodérision, nous aurait amplement suffi pour égayer cette soirée pluvieuse de mai.

Notre attente était pour ainsi dire réaliste et nous ne partions pas, nous vous le jurons sur la tête de Matt Brody, avec un a priori trop négatif. Il est vrai que le synopsis n’augurait rien de bon, mais nous voulions tout de même donner une chance aux nageurs. Il faut avouer que préados, préboutonneux, la série Alerte à Malibu avait quand même fait œuvre utile, pédagogiquement parlant, et nous avait fait découvrir les joies des plaisirs solitaires.

En fait, il est clair qu’une multitude de jeunes garçons de notre génération conserve un souvenir attendri de la voluptueuse Casey Jean, dont la personnalité généreuse et avenante faisait gonfler bien des têtes.

C’est donc avec une certaine nostalgie et le sentiment fugace que le monde tourne fort, pour paraphraser Vincent Vallière, que nous nous sommes présentés devant l’écran géant d’un multiplexe sans âme de la Rive-Sud pour retrouver un Mitch Buchannan à la sauce 2010.

À notre plus grand plaisir, les premières minutes laissaient entrevoir une sorte de Neighbors « lite » sur la plage, avec beaucoup de peau plastique, de mini-kinis en fils élastiques et de corps sculptés dans le Photoshop, mais c’est exactement ce à quoi nous nous attendions. Alors jusque-là, pas de surprise, notre absence d’attente était comblée.

Les ralentis utilisés à profusion nous faisaient sourire. Le sculptural The Rock jouait un « The Rock » dans un rôle taillé sur mesure pour son flegme légendaire et son sourcil relevé. Loin de nous l’idée de lui lancer le premier « rock », mais pour être franc, il n’est jamais aussi bon que dans son propre rôle, signe évident de ses talents d’acteur sans limites.

Zack Efron, quant à lui, un habitué des navets et du beach club de Pointe-Calumet, faisait parler ses pectoraux plus que sa tête, avec sa sensibilité à fleur de « pots » habituelle. Dans « Alerte à Malibou », il est l’individualiste désagréable et désobligeant de service, ex-champion olympique qui découvrira son grand cœur à travers les différentes péripéties de l’histoire.

Le film regorge de moments d’épiphanie, tel ce moment où un mâle alpha réalise qu’il peut être dangereux de s’approcher d’une chaise longue. D’ailleurs, les gags d’appendices masculins pullulent comme une ITSS non soignée (vous savez, ce type de blagues classées R, encore moins drôles qu’un vieil épisode de Piment fort ou qu’un vieux mononcle libidineux).

Bref, lors du visionnement, nous étions dans une sorte de zone de confort, d’insignifiance assumée, mais sympathique dans sa prévisibilité, jusqu’au moment où, sans aucune raison valable, une vingtaine de minutes après le début du film, de façon totalement gratuite et injustifiée, nous assistions, abasourdis et choqués, à une brusque rupture de ton, un jumping the shark filmographique comme si le scénariste, tel Jason Bourne, venait de tomber soudainement amnésique.

Le film changea alors de registre et devint une sorte de pseudo film policier de série B, dont la vraisemblance de l’intrigue n’avait d’égale que l’insignifiance, l’objectif de nos héros en speedo étant d’éviter un complot qui menace la Bay. Semblable à un épisode de la série « Un privé à Malibu », sorte de Colombo sur le botox, l’intrigue tarabiscotée (c’est une blague) est aussi basée sur une rivalité triviale et complètement inintéressante entre la police et les sauveteurs.

Quelle drôle d’idée tout de même de baser son intrigue sur un élément aussi ténu que le bikini de Summer Quinn! Encore une fois, les scénaristes ont visiblement tourné les coins ronds. Par conséquent, notre intérêt commença très sérieusement à flancher et notre cerveau à tomber dans une sorte de torpeur.

Par chance, notre popcorn de trois kilos, situé sur la chaise voisine, eut tôt fait de nous rappeler à l’ordre et de doper notre taux de glycémie. Malheureusement, une fois notre panse remplie de maïs soufflé et assistant à une quatorzième blague de vomi s’étirant dans le temps, nous avons décidé de quitter le cinéma, désireux de ne pas nous noyer dans cette mer d’imbécillité. Nous l’avons quitté une larme à l’œil, attristé de voir ainsi massacrée une série phare de notre éveil hormonal.

Du critique caustique