Benoit Girard : Il faut dénoncer les abus du pouvoir politique !

André Corbeij

CHAMBLY Ostie ! Tu la veux-tu la guerre !? Cette menace issue du tréfonds des entrailles d’un maire en colère, rendue publique dans le reportage de l’émission Enquête du 22 novembre dernier portant sur «Les dessous de la Ville du bonheur», demeure encore aujourd’hui pour son principal divulgateur, le geste le plus «libérateur» qu’il pouvait poser pour dénoncer l’intimidation dont il a été victime.

Benoit Girard a accepté de rencontrer le Journal Le Montérégien au siège social de l’entreprise de technologies de pointe qu’il dirige dans le parc industriel à Chambly. Homme d’affaires prospère et respecté de Carignan, M. Girard est d’une nature calme et posée. Il est père de quatre enfants. Depuis 17 ans, il donne de son temps comme président à l’Association du soccer mineur à Carignan.

Pour lui, le fait d’avoir rendu public l’enregistrement de la conversation qu’il a eue avec le maire de Chambly, qu’il qualifie de «surréaliste», enregistrement qu’il a conservé pendant trois ans, lui permet aujourd’hui de «dormir sur ses deux oreilles.»

«Je suis resté calme devant ses attaques. Je n’ai pas été irrespectueux. S’il y a quelqu’un aujourd’hui qui devrait émettre une poursuite en justice pour intimidation, ce serait moi», lance M. Girard. «Mon entourage était peu enclin à ce que je rende publiques les menaces du maire. Mais il fallait que je le fasse. Il est inconcevable qu’une personne utilise son pouvoir politique pour intimider des citoyens ou des hommes d’affaires. Dans la foulée du mouvement #MeToo, j’avais entamé des démarches auprès de mes procureurs pour valider ma position sur le plan légal avant de rendre publique la conversation. À l’époque, j’avais lancé des appels aux grands médias de Montréal. C’est Radio-Canada qui a repris le dossier», explique M. Girard.

Mardi 11 décembre 2018, Benoit Girard participe comme témoin et orateur indépendant, tient-il à préciser, à une conférence de presse organisée par le Mouvement citoyen de Chambly (MCC) et Démocratie Chambly, le Parti de l’opposition à l’hôtel de ville de Chambly. L’objet de cette conférence : l’adresse d’une lettre à la ministre des Affaires municipales Andrée Laforest, demandant au gouvernement du Québec, pour faire suite aux allégations révélées dans le reportage d’Enquête, de mener une enquête publique élargie et de mettre la Ville de Chambly en tutelle. Cette lettre sera signée par 6148 citoyens.

Cette conférence de presse du 11 décembre a fait l’objet d’une diffusion publique en direct sur le web par le MCC. Benoit Girard y révèle des faits nouveaux qui impliqueraient l’ingérence du maire de Chambly au niveau d’un commanditaire et bâilleur de fonds pour le soccer mineur.

«Dans le dossier du congédiement de l’entraîneur de soccer révélé par le reportage d’Enquête, le maire a appelé directement au local de soccer pour dire que si on ne mettait pas l’entraîneur dehors, on perdrait les fonds de la Caisse Populaire. De fait, la personne qui s’occupe du dossier à la Caisse populaire a appelé au local pour confirmer les dires du maire. Par la suite, le maire a rappelé au local, pour dire au responsable: vous avez vu, j’ai le bras long, je suis capable d’utiliser mon pouvoir politique pour vous enlever vos commandites. Si j’ai révélé ces informations le 11 décembre, c’est pour montrer que le maire avait usé de son pouvoir politique pour essayer de vouloir nous couper les vivres si on ne congédiait pas l’entraîneur de soccer», a mentionné M. Girard dans ce segment rendu public sur le web par le MCC.

Selon M. Girard, cet entraîneur était très compétent et très apprécié des filles de l’équipe de soccer concernée. «Toutes furent attristées par son congédiement. Toutes, sauf une (…)», mentionne M. Girard.

Depuis le 30 novembre, la Commission municipale a déclenché une enquête sur la Ville de Chambly. Benoit Girard fera partie des personnes qui témoigneront. Il espère que les conclusions du rapport rendront justice aux victimes et ramènera un climat plus sain.

«Les personnes qui sont responsables, les administrateurs d’une ville, devraient travailler en fonction des citoyens en faisant fi de leurs besoins personnels. Une personne en autorité devrait se montrer exemplaire et avoir du respect pour les gens», lance M. Girard. « Quand un maire claironne : quand je parle, c’est 30 000 citoyens qui parlent… Moi je pense plutôt que : quand 30 000 citoyens parlent, c’est le maire qui doit écouter ! «Si j’ai un message à livrer aujourd’hui, c’est que s’il y a gens qui ont vécu ou qui subissent des situations d’intimidations ou d’abus de pouvoir politique, qu’ils n’hésitent pas à dénoncer. C’est la seule façon de voir les choses changer», conclut M. Girard.

Photographie: André Corbeij © / Journal le Montérégien