Changer les trente sous pour des vingt sous !

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Altérer la valeur d’une monnaie est un truc aussi vieux que l’empire romain. Le roi Philippe le Bel en avait abusé en son temps. Il y a eu 17 dévaluations du franc entre 1928 et 1983 (Wikipedia).

En mai 1862, un grand nombre de marchands de Montréal ont tenu une assemblée pour considérer l’opportunité d’altérer la valeur des “trente sous”. Ils accepteraient ces “trente sous” pour une valeur de “vingt sous”. Sans que le gouvernement n’ait pris l’initiative dans ce sens. Et sans que le gouvernement ne les ait remplacés par d’autres monnaies, écrit-on.

Après une longue discussion, “ils ont finalement décidé que cette altération serait une source de graves inconvénients. En effet le discompte auquel on veut soumettre les “trente sous” tendra à les faire sortir de la Province”, affirment-ils. Ils ajoutent que les banques ne pourront pas mettre en circulation autant de pièces de vingt sous. On a essayé au Haut-Canada ce système, et on a été obligé de l’abandonner. Les inconvénients étaient plus grands que ceux dont on se plaignait”. En d’autres termes, le client qui achète des biens pour une valeur de 600 $, déboursait 20 fois 30 sous. Désormais il payerait 30 fois 20 sous. Soit une augmentation théorique de 50 % de pièces métalliques pour le même produit. Les marchands ont oublié de dire que la dévaluation de cette monnaie créerait de plus une inflation des prix. Dévaluer (ou déprécier) la monnaie diminue le pouvoir d’achat.

En ces années qui commencent en 1856-58, où on a aboli les taux fixes d’intérêt à 6%, les Canadiens assistaient à une poussée scandaleuse des taux d’intérêt. Des tarifs de 8 %, 10 %, de 12 % étouffaient les débiteurs. Tout s’écroule sous le poids des dettes à payer. Les bas de laine se vident. Les terres sont délaissées. Les affaires ralentissent. L’épargne disparait. Le numéraire devient rare. D’où l’idée simpliste d’en augmenter les quantités !!!

Au Canada, après l’instauration de la monnaie décimale (le dollar) en 1858, on avait établi le taux de la piastre à trente sous. Les illustrations indiquent que la “piastre”, monnaie espagnole universelle, avait cours au Moyen- Orient et même jusqu’en Extrême-Orient. Notez que la piastre égyptienne se lit “twenty five piastres”, mélange franco-anglais.

Sources: Le Franco-Canadien, 23 mai 1862, page 3. Internet.