Faire du foin !

 

 Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – L’expression “avoir du foin” signifie avoir un certain niveau de richesse. Avoir du cash. Ce serait équivalent aux expressions françaises “avoir de l’oseille”, ou “avoir du blé”.

Il convient de rappeler que la culture du foin a eu ses heures de prospérité dans la plaine du Richelieu. Bien des cultivateurs ont “fait du foin” avec le commerce du foin. Les États-Unis sont des consommateurs fort intéressés par le foin canadien au tournant du 20e siècle. On a écrit que même des Italiens viennent acheter du foin québécois pour l’armée!

Voyons quelques extraits de la presse:

«L’expédition de foin aux États-Unis continue à être très active dans notre région. L’American Hay Company a acheté plusieurs voitures automobiles pour ses agents qui parcourent nos campagnes. Une grande quantité de foin a été expédiée depuis quelques temps aux ports américains dans des bateaux par voie du Richelieu et du lac Champlain.»

(Le Canada Français, 13 août 1911).

«La Canadian Baling Company exporte du foin aux États-Unis depuis Saint-Jean. Le gérant est W. Burns qui a épousé Margaret Purvis de Saint-Jean à la résidence des parents de la mariée. Le mariage  est célébré par le Révérend B. P. Lewis. Le couple est parti pour Portland, Maine, où demeure la famille de M. Burns.»

(Le Canada Français, 16 août 1901).

«M. J. S. Clairmont de New York a acheté plusieurs centaines de tonnes de foin»

(Le Canada Français, 6 octobre 1911).

«Un commerçant italien est à Saint-Jean pour acheter du foin pour l’armée italienne envoyée en Tripolitaine. Il est possible que le foin vendu l’an prochain aille en Italie.»

(Le Canada Français, 19 avril 1912).

À la veille de la crise économique de 1929, note le géographe Ludger Beauregard, le Richelieu se présente comme un vaste champ de foin. Sa vente assure plus de revenus aux cultivateurs que celle du lait ou de la viande.

Le foin trouve preneur dans les villes, surtout Montréal, mais aussi aux États-Unis (Vermont et New York), en Ontario et parfois dans les Prairies.

C’est le “staple” qui a vraiment succédé au blé de l’époque précédente, à la suite des avatars de la pomme de terre et de l’avoine. Il a non seulement rapporté de l’argent aux cultivateurs, mais il a aussi conditionné l’élevage. Là aussi l’endettement des fermes est élevé (Courville, page 371).

Photo: Archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Une barge de foin sur le canal.