Le kodak décodé, ou comment entrer dans le portrait !

 Paul-Henri Hudon

CHAMBLY – Y’a pas à dire, tout ce qui était de plus stable se met à bouger.  Même les volcans d’Hawaï transforment les paysages et changent l’océan en vapeurs acides.  Il en est de même de la photographie, cet art vieux de 180 ans. Elle explose en jets de couleurs et de formes.

Passez voir l’exposition « Saveurs d’urbanité » au Corps de Garde, 8 rue de Richelieu à Chambly, une de ces fins de semaine, l’après-midi (mais avant le 10 juin). Vous verrez comment maintenant le photographe fait parler l’image. On ne se fait plus simplement tirer le portrait, on fait de la création photographique. Par des techniques que moi, ignorant en ces choses, ne saurais définir. Allez là pour contempler, ou encore plus pour méditer. On nous sort du réel, on nous soule d’imaginaire. Autrement dit, on se fait arranger le portrait, mais bellement et avec goût.

La photographie, cet art qui saisissait le vif, la caméra qui figeait le mouvement, la pellicule qui gelait temps, le déclic qui immobilisait l’action et la chambre noire qui éternisait l’actualité, eh oui ! Ça existe encore. Mais, c’est tout comme le pâté chinois, ça change de mixture et de posture.

Vous verrez des photos transmuées en sorte de bandes dessinées. Des contours sans visage, des bulles de couleurs. Vous verrez des images superposées en mixages dépareillés. Des collages et des fondus. Des ombres et des clartés. Des couleurs absolues et vibrantes, des lignes fuyantes. Je dirais même de l’impressionnisme sur clichés. Une telle photographie ciselée, composée, sculptée, qu’on dirait de la peinture abstraite.

Plus nécessaire de prendre la pose. Le photographe d’avenir nous posera désormais sur une surface d’un aluminium brossé ou blanc. On fera de vous un personnage de Picasso ou de Modigliani. Vous deviendrez une ombre fugitive empruntant l’escalier, une perception floue flottant dans une toile irréelle.

Si le cinéma se regarde et crée de l’émotion, la photographie nouvelle se regarde, mais suscite la réflexion. Félicitations aux artistes, Guy Rochette, Denis Brien, Alain Charest et Colette Bordeleau. Du grand art !