Les périlleuses besognes des cageux de bois !

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Dignes d’une médaille olympique, hardis et courageux comme pour des performances athlétiques, les meneurs de cage en ont accompli des exploits. Des prouesses ignorées, qui valent bien celles des surfeurs hawaïens modernes, qui défient les eaux traîtresses. Il faut imaginer leur long et lent chemin depuis le lac Champlain jusqu’au port de Québec, au moment des hautes eaux, au défi des tempêtes de vent, bravant les accidents et les noyades.

Hélas, ils ont été oubliés dans notre histoire régionale. Leurs noms sont disparus. Ils n’ont pas de monuments. Aucun roman épique n’a raconté leurs tours de force. Aucune légende locale n’est restée. Ils ont cependant été nombreux, comme ceux du lieudit de Ste-Thérèse, les Brissette, les Beaudriau, les Decelles, les Harbec, les Papineau.

Bien avant la rivière Outaouais et la Saint-Maurice, la rivière Richelieu avait vu défiler des radeaux de bois sur les ondes. Dès le Régime français. Quel spectacle ce devait être de les voir affronter les rapides de Chambly, ramer à travers les remous, les écueils, les rochers, les tourbillons ! Relier des cages de 75 pieds de long pour former des trains de bois impressionnants. Dormir sous la “cahute” humide et branlante, se nourrir de lard et de patates. Dériver pendant des jours et des nuits sur le Saint-Laurent, malgré les vents contraires, les courants.

Par exemple :  Le 23 mai 1811, François Papineau s’engage envers Robert Hoyle, marchand de bois résident dans l’état de New York, de livrer, rendu à Québec sur le terrain de Joliffe & Linthon, la quantité de douze cages de madriers, deux cages de plançons de chêne et seize cages d’espars et de plançons, lesquelles cages seront comptées sur le pied de soixante-cinq pieds de long, sur la largeur qu’ils (sic) sont actuellement faites.  Hoyle s’oblige de lui livrer ce bois, rendu au bassin, mis en trames bien et solidement faites, garni de bons câbles, d’ancres, de haussières, d’écoutes, de six voiles, d’une barque et de ses rames, ainsi que les provisions nécessaires pour nourrir le dit Papineau et les hommes nécessaires pour conduire ladite dramme à Québec, du jour de son départ jusqu’au vingt-quatre heures le jour après son arrivée à Québec… (notaire René Boileau, 23 mai 1811).

Non ! L’Outaouais n’a pas le monopole du flottage de bois. Jos Montferrand et Mac Pherson n’ont pas été les seuls. 

Illustrations: Archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Gravure attribuée à l’artiste anglais Adolphus Bourne (1795-1886), vers 1840.

Ces deux estampes passablement réalistes font voir des cageux de bois descendant les rapides de Chambly. Sur la rive, on découvre les moulins à farine du seigneur Hatt, avec leur amenée d’eau. On distingue son manoir (avec la cheminée fumante à l’arrière des moulins). À droite de l’esquisse, sur une pointe, le moulin à papier du patriote Louis Perrault, érigé sur l’emplacement de la défunte brasserie de Yule. Une cage de bois contenait 1000 pieds cubes de bois, vendus en bloc.