L’homme au tambour

CHAMBLY – Dans la confrérie des percussionnistes, le nom de Serge Lapointe est devenu synonyme de référence. Celui qui a accompagné Roch Voisine en tournée au Québec, au Canada et en Europe et bon nombre de grosses têtes d’affiche des années 1990 et 2000, a rejoint la formation «Around The Beatles Full Band», qui a eu l’honneur de lancer les activités du restaurant La Croisée des chemins à Chambly le 29 avril. Le Journal a voulu lever le voile sur un pan de la carrière exceptionnelle du Chamblyen, qui a pris son envol à Québec au tournant des années 1990.

Mais avant, il y a ce coup de foudre pour la musique dans son berceau natal, le Saguenay; à la belle époque de l’adolescence où se forgent les influences qui cimentent les bases de l’édifice en devenir. Serge est un enfant des Beatles. C’est la première musique qui est venue lui titiller les oreilles. Il a 12 ans. Et elle ne le quittera plus jamais par la suite.

«La première chanson que j’ai entendue, c’est «Can’t by me love» des Beatles. Au même moment, débarque le film «A hard day’s night». Ma vie a complètement changé. On devait être en secondaire un ou deux. Je n’avais pas beaucoup d’argent. Avec le peu que j’avais et avec un de mes chums, on a acheté des disques différents pour pouvoir se les échanger. On s’est rapidement monté la collection des Beatles. On était jeunes et fous. On faisait du lipsync sur les chansons. On voulait être les Beatles», lance Serge.

Mais bien avant de taper sur les peaux avec ses baguettes, il a joué de la guitare. Il voulait jouer de la batterie comme Ringo, mais l’instrument coûtait trop cher. Sa première guitare que sa mère lui a offerte a coûté 21 $. «La touche était haute et j’ai eu les doigts en sang pour apprendre à en jouer», ricane Serge.

De fil en aiguille, il maîtrise l’instrument. Il apprend même à en jouer à ses copains qui voulaient créer un groupe.

«Moi je voulais jouer de la batterie, mais le poste était déjà pourvu. J’avais travaillé fort à la pharmacie de mon père pour amasser des sous pour pouvoir m’acheter une batterie. Les gars m’avaient dit : si tu as une guitare électrique, on te prend dans le band. J’ai donc acheté une guitare», se remémore Serge.

Même s’il jouait de la guitare au sein de son premier groupe, la batterie demeure pour lui la quête du Saint-Graal. Il pratique à la maison jour et nuit comme un possédé à en défoncer le divan du salon avec les baguettes à tricoter de sa mère. Sa vie prendra un tournant lorsqu’il intégrera un programme de musique.

«J’étais un ado timide. La timidité c’est un manque de confiance en soi. Quand j’ai commencé à étudier en musique au Cégep, je me suis ouvert au monde. Avant de passer l’audition d’entrée, je ne connaissais pas grand-chose. Juste ce qu’était une clef de sol. On m’a fait jouer un morceau de guitare et fait passer des tests pour voir si j’avais de l’oreille. On m’a accepté. Ma mère était fière. Encore aujourd’hui à 82 ans, elle demeure ma plus grande admiratrice et vient me voir en spectacle. Je ne la remercierai jamais assez de m’avoir encouragé à faire de la musique.»

Serge Lapointe le pro

Passer des bancs d’école à une carrière professionnelle représente tout un défi pour un jeune dans la vingtaine qui débarque à Québec. En plus de son talent, Serge est né sous une bonne étoile. Il a été au bon endroit au bon moment avec les bonnes personnes.

Il passera dix ans à Québec. Après le Bac, il commence à jouer de la batterie dans le réseau des bars avec le groupe Zane. C’était l’âge d’or des bands de covers.

«On jouait dans le circuit des supers clubs dont Aux Vieux Chênes à Lévis et au Dagobert à Québec. Le lundi soir, les gens faisaient la file jusqu’au coin de la rue. On jouait du Styx, du Queen et du gros rock américain. À 3 h du matin, le boss nous demandait de continuer à jouer parce que les clients menaçaient de tout casser!», se souvient Serge.

C’est à cette époque qu’il rencontre le guitariste Réjean «Rej» Lachance et le bassiste Kevin De Souza. Les trois ensembles formeront le noyau d’irréductibles à qui on fait appel pour les tournées de spectacle de grosses vedettes. On retrouvera Serge au sein des orchestres de Julie Masse, Mario Pelchat, Garou, Éric Lapointe, Bruno Pelletier, France D’Amour, Marc Dupré, Isabelle Boulay, Marie-Élaine Thibert, Roch Voisine.

«Je me souviens encore de l’appel de Marc Beaulieu, le chef d’orchestre de Roch. Quand il m’a offert le poste, je suis resté sans voix. Je n’en revenais pas! J’ai repris mon souffle et j’ai dit ça m’intéresse. Quand est-ce que je passe l’audition ? que je lui demande… Marc me dit : non, non c’est toi qui a le job. Je me suis retenu pour ne pas crier», lance Serge.

Cette tournée avec Roch Voisine demeure son plus beau souvenir de tournée en carrière.

«On était traité comme des rois partout où on allait. En France, c’était malade. On a joué devant des foules incroyables. Roch était au top.

On quittait les salles et nous n’étions pas capables de regagner notre bus de tournée. Les fans nous sautaient dessus. On n’était pas les Beatles, mais c’était tout comme. Roch est l’artiste le plus respectueux et le plus fin avec qui j’ai joué.»

Plusieurs cordes à son arc

Durant sa carrière, Serge Lapointe a aussi vécu des périodes plus tranquilles où il ne faisait pas de scène. Il s’est donc lancé dans le travail de programmation, où il est rapidement devenu une référence. Il ajoute quelques cordes à son arc : musicien de studio, réalisation, direction musicale et arrangements. Ce qui lui a permis de collaborer à de prestigieuses productions notamment Elvis Story au Centre Bell, Claude Dubois au Casino, Noël avec le chœur de l’Armée rouge, du spectacle de Marie-Michèle Desrosiers.

Serge travaillera pour la télévision comme directeur musical, accompagnant plusieurs artistes. Il a aussi composé des musiques pour des émissions populaires comme Vlog et Le Banquier.

Le Chamblyen consacre actuellement ses énergies au travail de studio et à l’enseignement. Il est notamment professeur de percussions à l’École secondaire Ozias-Leduc, à Mont-Saint-Hilaire. Il joue régulièrement dans la comédie musicale «Rock Story», un spectacle hommage qui roule sa bosse depuis une décennie.

Il s’estime heureux d’avoir pu vivre les plus belles années comme musicien de tournée au Québec. À l’époque où les artistes vendaient 300 000 disques sur support physique. Il aime bien la nouvelle génération d’artistes qui commence à faire sa place. Les Half Moon Run, Louis-Jean Cormier, Philippe Brach… Sa passion pour la musique demeure toujours aussi vive.

«J’ai encore l’énergie d’un jeune de 16 ans et j’ai toujours du plaisir à jouer. Quand je n’aurai plus de fun à faire de la musique, je n’en ferai plus. Mais ce n’est pas demain la veille!»

Photo : Courtoisie