La momie

Même le recyclage peut devenir du gaspillage

Au moment même où le gouvernement américain, Trumpitude en tête, décidait unilatéralement de s’essuyer les mocassins sur l’accord de Paris et d’envoyer paître la terre entière ainsi que les générations futures, il est lénifiant de voir un grand studio, le plus vieux du pays, déterminé à faire sa juste part dans l’effort global pour contrer le réchauffement climatique. Ce studio visionnaire, nous l’apprîmes il y a quelques mois à peine, décida d’abandonner, sauf à exception près, toute production originale, demandant un effort créatif soutenu, afin de se concentrer exclusivement sur le recyclage de vieilles histoires préexistantes. -Ressuscitons des morts nos vieux monstres tablettés, s’étaient-ils exclamés à l’unisson, dans un élan quasiment orgasmique d’optimisme.

Blague caustique à part, sur papier, sans être révolutionnaire, cette idée n’était pas nécessairement mauvaise. Universal, faute de supers héros, revêtus de lycras multicolores, souhaitait imiter ses concurrents (Disney et Warner Bros, en tête de liste) et ressortir des boules à mites les monstres ayant fait sa renommée durant les années 30 et 40. Nous ne parlons pas ici d’un « Suicide Squad », mais d’une sorte de CHSLD pour méchants incluant les vénérables vieillards que sont maintenant devenus Frankenstein, l’homme invisible, le Loup-Garou et la Momie.

Grosso modo, pour simplifier une idée déjà simpliste, l’objectif d’Universal était de produire une série de films interconnectés, ayant comme lien unificateur Dr Jekyll et M. Hyde. Les pontes de la compagnie eurent ensuite une seconde idée génialement mauvaise et décidèrent de nommer cette série la « DARK UNIVERSE ».

Par conséquent, « La momie », le film dont il est question dans cette critique, est le premier opus de cette nouvelle série sans avenir. Une fois ces informations assimilées, il n’en fallait pas plus pour que votre humble et pédant serviteur, pourfendeur de la médiocrité cinématographique et défenseur du Jobelin, ressente le besoin pressant de se faire une opinion juste et éclairée du nanar en question.

Le film : La momie

Le film débute, ma foi, de manière assez convenue. 7000 ans avant la naissance de Steve Jobs, dans l’Égypte ancienne, Ahmanet, une descendante légitime de la famille royale, sorte de féministe avant l’heure, est décidée à succéder à son pharaon de paternel. Malheureusement pour Amulet, son girl power sera de courte durée. À la naissance de son frère, elle se verra reléguée à la cuisine pyramidale. Furieuse et endoctrinée par une Judith Butler avant l’heure (c’est une blague), elle fera un pacte avec Seth (et nous ne parlons pas ici de Seth Rogen), un dieu maléfique. Seth l’aidera à écarter les obstacles (sa famille) se dressant sur son chemin dans sa marche vers le pouvoir. Une fois arrivée à ses fins, loin d’être récompensée par ses actions belliqueuses, la jeune femme impétueuse et parenticidaire sera condamnée manu militari à être momifiée et enterrée vivante.

Des centaines d’années plus tard, nous retrouvons Nick Norton, alias Tom Cruise, définitivement sur le cruise control, en Irak. Le joyeux coquin est, comble de hasard, un pilleur de tombes avec une moralité à géométrie variable. Vous devinez sans doute la suite. Notre Indiana Jones des temps modernes, aidé par son larbin d’ami Chris Vail (Jake Johnson), découvrira la tombe d’Alalète et il sera assez bête pour ouvrir son sarcophage. La démente sera alors libérée de son interminable sommeil (alors, celle-là, on ne l’avait pas vu venir). La momie, une fois réveillée, émoustillée à souhait et en « Endless Love » avec le beau Tom, trouvera en lui le réceptacle parfait pour accueillir Seth et accomplir ainsi sa mission divine. Malheureusement, Tom Norton ne donnera pas son consentement éclairé à cette étrange union. On nous impose bien entendu aussi comme spectateur une énième scène d’avion, la marque de commerce de M. « Top Gun », ou notre héros trépassera (et non, ce n’est pas un spoiler) à notre plus grande joie. La momie fera ensuite le voyage jusqu’à Londres. Elle mettra la ville à feu et à sang, aidée par ses hordes de zombies à la Walking Dead, afin de retrouver Nick Cruise et de lui faire dire ouuuuui. La ville, victime « Collatérale » du film, avait-elle vraiment besoin de cela après l’élection de Theresa May? Je vous le demande. L’histoire devient alors un « Cocktail » sans queue ni tête de revirements de situations saugrenues, toutes plus loufoques les unes des autres. Le réalisateur Alex Kurtman semble complètement perdu dans son histoire. Fait-il un film familial, d’horreur, d’action, d’aventure, un film sur Tom Cruise ou sur une momie, lui-même paraît ne plus vraiment le savoir. Est-il nécessaire d’en dire davantage, tellement l’histoire devient risible? Sauver ce film du naufrage devient alors une « Mission impossible ».

Alamanet, la « Valkyrie » momifiée de l’histoire, est sans doute le personnage le plus intéressant du film. En théorie, elle devrait être le véritable héros du film. Pourtant, nous avons perpétuellement l’impression que Tim Norton, alias Nick Cruise, cherche à braquer les projecteurs sur sa propre personne au détriment des autres acteurs. D’ailleurs, ses blagues tombent continuellement à plat, tellement qu’on se croirait dans un film d’Adam Sandler. Pour les autres, ce n’est guère mieux. Jenny Halsey, un cliché ambulant incarné par Annabelle Wallis, surjoue tellement qu’elle en devient risible. Jack Johnson est encore pire, il nous bassine les oreilles en passant l’essentiel du film à se plaindre et à extérioriser un trop-plein d’anxiété. Seuls les effets spéciaux méritent réellement une étoile et pour être franc, elle sera la seule du film.

Pour conclure, le recyclage de vieux classiques est toujours une « Risky Buisness ». Il faut respecter le produit original et surtout ne pas chercher à le dénaturer. Visiblement, certaines personnes chez Universal ont oublié ces règles d’or. Suggestion de la semaine, si vous voulez voir un film réécoutez plutôt en rigolant « La momie » version de 1959 avec Peter Cushing et Christopher Lee ou dans un tout autre registre « La Mommy » du grand Xavier Dolan. Désolé pour les fans de Tom Cruise, mais « La momie 2017» est l’exemple typique d’un film qui, en cherchant à ratisser le plus large possible, n’est finalement qu’un ramassis indigeste de n’importe quoi. Ce ratage de « Légende » deviendra un classique dans son genre, comme quoi certains monstres devraient rester endormis sous leurs bandelettes… à tout jamais.

Du critique caustique