“Ô flots, que vous avez de lugubres histoires” (Victor Hugo).

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Le printemps 1862 aurait été la pire saison du siècle pour les inondations. “Jamais de mémoire d’homme, a-t-on vu l’eau monter à un si haut point”, écrit le journaliste. C’est cette année-là que la courtine nord du fort de Chambly fut renversée par les glaces. Mais pire qu’à Chambly, Sorel a connu le désastre le plus effroyable de tous les temps, quand des dizaines de vapeurs, de barques, de remorqueurs, arrachés de leur port dans le Richelieu, ont été bousculés, renversés, charroyés dans le St-Laurent, noyés sous les flots, et écrasés par la débâcle des glaces.

À Stanbridge et à Bedford, les moulins à farine, les moulins à scie, les tanneries ont été endommagés et les ponts enlevés. À Saint-Césaire, “deux moulins à farine et à scie appartenant à M. Généreux, une tannerie et une maison auraient été enlevés…” Il en est de même à Ste-Rosalie, à St-Damase et à St-Dominique, le long de la Yamaska. À St-Aimé, tout le bois de corde le long des rives a été charroyé, –une seule personne en a perdu 400 cordes- Toute la glace est refoulée dans la partie inférieure du Yamaska. À Saint-Hyacinthe, “il est passé devant cette ville un pont entier qu’on dit être celui de M. Coté. Le courant ne cesse de charroyer des débris… Les pertes sur tout le parcours de cette rivière sont plus grandes qu’on ne peut se l’imaginer”. Dans l’espace de 12 heures, l’eau s’est élevé à 20 pieds dans la rivière Salvaille. Plusieurs ponts ont été enlevés et près de 1 000 billots sont perdus. La glace a aussi rasé un grand nombre d’arbres sur les bords de la rivière. Une grange contenant 1 000 bottes de foin a été enlevée par les eaux

L’eau de la rivière Châteauguay s’est élevée jusqu’à dix pieds au-dessus de son niveau… À St-Thomas (Montmagny), plusieurs poteaux de télégraphe ont été emportés par les eaux…

Même en Nouvelle-Angleterre. “Les eaux de la vallée de la rivière Mohawk sont plus hautes qu’elle ne l’ont été depuis vingt ans. La rivière Connecticut est plus haute de 19 pieds, 10 pouces au-dessus des basses eaux…”

Le mois d’avril 1862 est resté dans les mémoires pour ses sinistres méfaits. C’est l’année suivante que Benjamin Sulte a composé son célèbre chant patriotique: “Ô, mon vieux fort reste debout”.

Sources: Victor Hugo, Les Rayons et les Ombres.

Le Franco-Canadien, mardi 22 avril 1862, pages 2 et 3.

Illustrations: Archives de la Société d’histoire. Un embâcle sur la rivière Richelieu.