Optimus Prime en soins palliatifs

 Charles Fraser-Guay

CINÉMA«Transformers : le dernier chevalier » est le quatrième film de trop d’une série de cinq. Nous avons ici affaire à un navet de haut niveau, avec une histoire absurde et risible. L’idée même de mélanger la légende du roi Arthur avec les Transformers démontre à quel point la série est rendue dans les bas-fonds de l’insignifiance.

Nous ne vous parlons même pas de la présence encore plus gênante des nazis. Un merlin alcoolique et les Autobots, dans un seul et même film, c’est un peu comme vouloir asseoir à une même table le président Poutine et Hillary Clinton, ça ne fonctionne tout simplement pas. En fait, ces éléments disparates et antinomiques semblent avoir été mis en place pour tester la complaisance du spectateur envers une série qui a depuis longtemps dépassé sa date de péremption.

Le réalisateur, Michael Bay, le Ed Wood du blockbuster, semble déterminé à s’autoparodier lui-même, à dépasser ses propres standards de médiocrité. Il réutilise exactement la même recette des films antérieurs, nous donnant du même coup l’impression d’être désabusé de son propre travail.

Lassé des films commandés, il semble déterminé à massacrer une franchise qu’il avait pourtant déjà passablement malmenée (une sorte de hara-kiri symbolique, peut-être). Paradoxalement, il répète à qui veut l’entendre qu’il s’agit, cette fois-ci, de son dernier “Transformers”.

Nous espérons sincèrement qu’il dise vrai. À une certaine époque, Michael Bay, malgré ses travers (et ils sont nombreux), était tout de même capable de nous surprendre grâce à sa grande virtuosité technique. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans ce film. Le montage est souvent aléatoire et le film manque cruellement de rythme. Les scènes de combat interminables (la dernière dure 40 minutes) sont ternes et insipides; la pire des insultes, sans doute, pour M. Bay.

Vous raconter l’histoire est malheureusement inutile, vu l’absence d’intrigue. Le réalisateur réussit à bâtir un film sans aucune véritable trame narrative, un exploit en soi. “Transformers” devient donc le premier blockbuster expérimental de l’histoire du cinéma.

On nous présente une sorte d’uchronie bâclée dont le seul et unique objectif est de mettre la table à une nouvelle série de navets campés sur une ligne du temps aléatoire. Fermez les yeux et imaginez un instant les “Transformers” dans « l’Histoire » avec un grand H : Mégatron avec Caligula et son cheval, Bumblebee peignant La Joconde et Barricade défaisant Montcalm sur les plaines d’Abraham. N’est-ce pas jubilatoire? Si votre réponse est non, vous n’allez pas apprécier “Transformers, le dernier chevalier”. Le film reconstruit donc la mythologie de la série, en jetant à la poubelle l’ancienne. Drôle d’idée, mais pourquoi s’en étonner?

En ce qui a trait aux acteurs, leur prestance est à la hauteur de l’ensemble de l’œuvre. Mark Wahlberg, ce bon vieux Dirk Diggler, joue un Cade Yeager unidimensionnel et inintéressant. Nous avons parfois l’impression de revoir John Bennett dans “Ted”.

Cependant, le personnage le plus pathétique dans ce cinquième opus est sans aucun doute celui de la pauvre Laura Haddock. La fille du capitaine incarne Vivien Wembley, une professeure à l’Université d’Oxford. Loin d’avoir des réflexions un tant soit peu intellectuelles, Miss Wembley passe l’essentiel du film à reluquer le « chest » de Mark Wahlberg et à nous rappeler qu’elle est le clone de Megan Fox.

Son décolleté aussi large que le grand Canyon était-il un accessoire vraiment nécessaire? Comme si ce n’était pas assez, nous avons aussi droit à l’éternelle romance entre les deux protagonistes. Misère, nous sommes en 2017, serait-il possible, messieurs les scénaristes, d’avoir un rôle féminin ayant de la consistance, pour une fois?

Comme si ce n’était pas déjà assez affligeant, on ressort Anthony Hopkins des boules à mites. Hannibal Lecter avait sans doute besoin d’argent pour accepter de se travestir dans pareil ratage. L’acteur passe d’un registre résolument sérieux, au début du film, à des facéties clownesques, sans que nous n’y comprenions quoi que ce soit.

Si Michael Bay voulait enlever toute dignité à un acteur oscarisé de cette trempe, c’est malheureusement réussi. Le plus drôle, c’est d’entendre ce même Hopkins dire candidement, en entrevue, ne pas avoir compris un traître mot de l’intrigue du film. Yo Anthony, y’en a pas d’intrigue!

De plus, quelqu’un peut-il nous expliquer à quoi sert exactement Izabella, comme personnage? Elle n’apporte strictement rien au film. Pourquoi se retrouve-t-elle dans une unité de combat en plein milieu d’une bataille, sans armes, tel un Calinours égaré, alors qu’elle n’est qu’une enfant? Nous, nous posons encore la question. Comble de misère, nous devons attendre le trois quarts du film avant de voir Optimus Prime, pourtant le “Transformer” le plus intéressant de cet univers.

Nous pourrions continuer ainsi, pendant des heures, à énumérer les invraisemblances et les absurdités du film. Mais nous croyons, chers lecteurs, que vous avez saisi la nature profonde de cette critique caustique, car contrairement au réalisateur de ce film, nous ne prenons pas les gens pour des imbéciles. Le plus triste est que nous avons été incapables de trouver le moindre élément positif. Nous nous arrêterons donc ici, par grandeur d’âme pour cette série en phase terminale.

Au final, “Transformers” est le symbole patent de tout ce qui cloche à Hollywood. Le film en lui-même est devenu un élément totalement accessoire, une excuse pour nous gaver de produits dérivés indigestes. Après une heure d’explosions et de scènes d’action déstructurées, nous avions le goût d’aller nous perdre dans la forêt de Walden et de lire du Henry David Thoreau. Les Transformers devraient être envoyés à la ferraille afin de préserver la santé mentale des cinéphiles du monde entier.