Paul McCartney : L’ultime biographie

 Pierre-Yves Faucher

LIVRE – Premier constat avec cette biographie de Paul McCartney par Philip Norman : si vous n’avez rien lu dans ce genre littéraire sur Sir Paul, n’allez pas ailleurs, allez-y, tout est là. Philip Norman a beaucoup écrit sur la vie des musiciens surtout britanniques (Bowie, Lennon, les Rolling Stones, Mick Jagger avec une incursion américaine avec Buddy Holly) ce qui fait de lui en quelque sorte un spécialiste de la bio des rock stars.

Ce n’est pas la première biographie autorisée sur le sujet, mais c’est la plus complète. Celle écrite par Barry Miles, publiée en 1997 (Many Years from Now – Les Beatles, les sixties et moi dans sa version française) couvrait très peu la période post-séparation des Beatles avec ses 20 petites pages sur un total de 600 et des poussières, laissant de côté son groupe Wings et l’essentiel de ses années de mariage avec Linda Eastman avec un récit qui s’arrêtait à la mort de John Lennon en 1980.

Cette brique de 826 pages dans sa traduction française (excellente chez Robert Laffont) sur tout ce que vous vouliez savoir sur ce musicien, mais que vous n’aviez jamais imaginé vouloir savoir a reçu l’autorisation tacite de Sir Paul qui n’a pas cherché à prendre le contenu éditorial.

Il a donc eu le champ libre pour rencontrer son entourage, les anciennes (et nombreuses) petites amies, sa famille et les anciens employés d’Apple entre autres dont certains ont « profité » de leur proximité pour publier leur propre histoire gravitationnelle dans l’univers McCartneyesque.

Les gens qui s’intéressent à Macca y trouveront leur compte sur sa vie personnelle, son tempérament, ses relations d’amitié et de compétition avec John Lennon (saine et productive au niveau de la composition musicale), sur Yoko Ono et les autres Beatles, sur les batailles juridiques liées aux contrats de disque, à la gérance d’Apple Corps et sur son combat incessant pour récupérer les droits d’auteur de ses chansons.

Avec ce nombre de pages, il fallait s’attendre avec la brique de Norman à y lire à l’occasion des détails superflus sur son enfance et son adolescence. Ils servent cependant à illustrer les rapports avec les adultes et l’autorité de l’époque, les codes sociaux et les conditions économiques qui nous donnent un éclairage sur la société anglaise dans un pays « sous le joug de la tradition et de son système de classe » dans les années 50.

Pour ceux et celles qui ont déjà lu les biographies de ses contemporains comme Pete Townsend, John Lennon et Eric Clapton entre autres, ils retrouveront une description des conditions de vie difficiles de l’après-guerre avec des mères et des pères manquants ou décédés trop tôt, selon les cas.

Ce livre permet de remettre les pendules à l’heure sur les qu’en-dira-t-on, les potins, les demi-vérités et les déclarations hors contexte. Les encyclopédies ambulantes de Macca ont suivi la plupart du temps ses péripéties en lisant des reportages souvent sensationnalistes, à gros titres vendeurs et réducteurs et par le biais d’entrevues règlements de compte entre les quatre musiciens dans des magazines.

Ce qui ne facilitait pas leur recherche de vérité sur sa vie de rock star, c’est que les journalistes dans les années soixante tenaient entre autres sous silence, par complaisance, les conséquences de la promiscuité des Fab Four et les paiements pour dédommager les réclamations liées à des grossesses présumées (remises en argent à même les postes budgétaires de la firme gérée par Brian Epstein).

Et pour remettre à leur place les conspirationnistes qui accusent depuis toujours la conjointe de John d’avoir contribué à la fin du groupe, le livre nous fait bien voir que les fondations du groupe étaient déjà en piteux état. La fin des prestations devant public avait déjà sonné le glas du groupe en 1966.

Quatre ans plus tard, le groupe n’existait plus. Pour bien des groupes musicaux, la fin des spectacles annonce souvent la mort imminente. John s’était trouvé d’autres intérêts, comme la promotion de la paix dans le monde et surtout, Yoko était devenue le centre de son univers. On ne peut pas empêcher un coeur d’aimer, au grand dam des autres Beatles (et des fans).

Ceux qui détestaient Yoko Ono pour l’ensemble de son oeuvre (artistique et comportementale la jugeant manipulatrice et sans grand talent) trouveront d’autres raisons, méconnues jusque là de leur part, de la détester encore plus.

La première femme de Paul, Linda Eastman, a été elle aussi malmenée par les médias pour son inexpérience musicale et par les fans (féminins) qui considéraient qu’elle leur avait « volé » la chance d’épouser leur idole.

Ce n’était cependant rien comparativement à la couverture journalistique des années 90 avec le traitement assez féroce accordé à Heather Mills, sa deuxième femme, dans les médias tant sensationnalistes que traditionnels. Cette relation amoureuse plombée depuis ses tous débuts s’est terminée par un divorce acrimonieux et brutal qui a été étalé publiquement. Au détecteur de médisances et du fiel, Yoko est une bien gentille dame comparée à elle.

L’auteur avoue dans son épilogue qu’il a eu « la possibilité de découvrir un Paul McCartney très différent de celui que le monde croit connaître : un bourreau de travail et un perfectionniste qui, malgré son immense célébrité, est resté sous-estimé par l’histoire ».

Paul McCartney par Philip Norman, Robert Laffont, 826 pages.