The Beatles : retour de l’album mythique à la pochette blanche !

Pierre-Yves Faucher

MUSIQUE – Pour souligner le 50e anniversaire de la parution de l’album The Beatles plus communément appelé «l’album blanc», Apple mettra en marché ce vendredi 9 novembre, une version remixée de l’opus double paru en 1968. Si vous doutez de la pertinence de cette parution, c’est que ce produit n’est pas pour vous.

Quand on pensait avoir tout entendu avec The Beatles Anthology (1995), la chambre forte des archives nous paraît donc inépuisable. Les fans de rock sont bien servis de ce temps-ci par les héritiers d’Hendrix et ce sera la même chose dans les prochaines années avec ceux de Prince. Mais ça, c’est une tout autre histoire.

En ce qui me concerne, je manifeste un vif intérêt envers la fin des années 60 au plan artistique dans le cas des Fab Four. Seulement du point de vue de la composition, qu’il s’agisse de l’étude du processus de création d’une chanson jusqu’au produit final, cette ré-écoute vaut selon moi le détour.

Les artisans du remixage

Les 30 chansons originales ont été remixées par Giles Martin, fils du célébrissime George avec l’aide de l’ingénieur de son Sam Okell. L’offrande comprendra aussi 27 maquettes acoustiques à l’état embryonnaire et 50 prises en studio non retenues pour le produit final, en très grande majorité jamais entendues jusqu’à maintenant. Ces maquettes seront apparemment, semble-t-il, les plus révélatrices de tout ce que comprennent les archives musicales du groupe. Il appert que le travail de Giles Martin et de son acolyte a été axé sur la mise en avant-plan de la basse et la batterie. Donc, pas trop de manipulations génétiques des bandes. Une bonne nouvelle.

La genèse de l’album et le contexte créatif

Après quatre années de tournée éprouvantes et la production de deux albums par année, les Beatles voulaient reprendre leur souffle quand ils ont cessé de se produire en spectacle en 1966.

L’écriture de la grande majorité des chansons de l’album s’est déroulée entre février et avril 1968 à Rishikesh au nord de l’Inde dans l’ashram du Maharishi Mahesh Yogi pour s’initier à la méditation transcendantale en compagnie des conjoints et un entourage élargi (entre autres Donavan, Mia Farrow et Mike Love des Beach Boys).

Dans ce contexte d’isolation, sans stress et en absence de préoccupations quotidiennes et des médias, ils ont écrit 32 chansons à la guitare acoustique qui servit de support physique aux compositions. Cela se ressent sur l’album double avec ses sonorités beaucoup moins complexes, ses arrangements plus simples et des textes moins philosophiques que sur l’album précédent (Sgt. Pepper).

À leur retour en Angleterre, ils se réunirent à la résidence de George Harrison (Esher dans le Surry) pour enregistrer 27 maquettes à l’aide de sa console quatre pistes. Les « démos Esher » ont servi de guide pour la conception de l’album. La plupart des chansons sur les maquettes sont parues majoritairement sur l’album blanc alors que d’autres ont été intégrées sur Abbey Road (Mean Mr Mustard et Polythene Pam) et Let It Be (Across the Universe) et sur certains albums en solo publiés après la séparation du groupe (Junk de Paul McCartney et Jealous Guy de John Lennon).

La décision de mettre en marché un album double était motivée par plusieurs facteurs. Au cours de deux sessions d’écoute le 26 septembre dernier réservées aux médias au studio Power Station de New York, Giles Martin a relaté que le travail de studio a été dirigé par les quatre musiciens qui prenaient leur destinée musicale en main.

Cette production est clairement la collaboration de quatre individus qui réclamaient pour eux-mêmes le temps nécessaire pour enregistrer toutes leurs compositions en faisant valoir qu’elles valaient la peine d’être toutes sur l’album, même dans le cas de Ringo Starr (Don’t Pass me By). Une autre raison pour ce double opus était liée au quota de chansons à produire exigé par leur contrat avec EMI. Ils voulaient régler cette question le plus rapidement possible.

Forte des revenus astronomiques des ventes d’album depuis leurs débuts, la maison de disque EMI ne tenait pas trop rigueur aux musiciens pour les longues heures coûteuses en studio.

Pour l’album blanc, 709 heures de travail (comparativement à 334 heures pour Sgt Pepper) furent nécessaires pour créer cette production d’une variété de styles inouïe. Giles Martin raconte qu’ils « jammaient » de longues heures durant la nuit, un horaire qui ne correspondait pas à celui de son paternel producteur, lui qui était un jeune père de famille à l’époque (sa fille Lucy avait un an). De plus, sa méthode de travail habituellement efficace et méticuleuse ne cadrait avec l’horaire de ces oiseaux nocturnes.

Contrairement à ce qui est raconté depuis toujours, le groupe n’était pas si fragmenté. En écoutant les nombreuses heures de bandes, Giles Martin n’a pas eu cette impression de discorde supposée. Il se rappelle qu’en travaillant comme messager aux studios AIR à Montserrat en 1989, Supertramp y enregistrait un album et chacun des musiciens travaillait dans des compartiments séparés et selon lui, la mésentente était palpable. Ce n’était pas le cas pour les Beatles.

Ils ont enregistré ensemble « Yer Blues » dans un lieu grand comme un placard. On n’enregistre pas une chanson dans une armoire si on ne s’entend pas bien entre individus. Et on ne fait pas 107 prises de la chanson d’un autre si on n’aime pas la proposition (Sexie Sadie de John Lennon).

Le contenant et le contenu

Après les couleurs vives, les costumes, les personnalités publiques et les nombreux accessoires apparaissant sur la pochette de Sgt Pepper, les Beatles ont voulu surprendre leur public avec un concept très sobre avec leur 9e album.

Ils ont opté pour une pochette complètement blanche comprenant seulement le nom du groupe et un numéro de série. Elle a été imaginée par Paul McCartney et Richard Hamilton qui pensaient au départ y inclure des photos d’enfance des musiciens. Ce projet a fait place à une affiche incluse dans l’offre.

Plusieurs clins d’œil artistiques à ce concept « blanc » ont par la suite vu le jour. Weezer avec ses titres Weezer – Blue Album, Green Album, Red Album, White Album et Black Album qui sortira sous peu. Metallica a aussi fait paraître son Black Album (1991).

En plus des 30 titres originaux, il nous sera possible d’entendre des titres qui ont été écartés comme « Hey Jude », « Revolution », « The Inner Light », « Across the Universe », « Lady Madonna » en plus d’ improvisations inédites et des extraits de répétitions.

La chanson Helter Skelter sera offerte en version de 12 minutes (on a pu entendre une version de cinq minutes dans l’Anthologie). La version retenue à l’époque durait 4 minutes 30 secondes. Une autre prise de 27 minutes ne sera pas incluse.

Différents coffrets seront offerts

Pour consulter toutes les options d’achat, vous pouvez aller sur le site www.TheBeatles.com ou passer une commande dès maintenant au www.theBeatlesStore.com. Les nouveaux mixages sont offerts en stéréo et en 5.1 Surround Audio

Le 9 novembre, « a splendid time will be guaranteed for all of us » (pour les fans des Beatles, on s’entend).

En bref

Ce fut la troisième meilleure vente d’album du groupe, après Sgt. Pepper et Abbey Road, et le plus vendu sur le territoire américain, avec plus de 20 millions d’exemplaires écoulés. Il resta en tête des palmarès pendant huit semaines au Royaume-Uni et pendant neuf semaines aux États-Unis.

Eric Clapton a été le premier musicien rock invité à une session d’enregistrement des Beatles, groupe jusque là très tricoté serré. C’est pour sa chanson « While my Guitar Gently Weeps » que George Harrison l’a inclus dans le groupe pour y jouer la partie solo.

Billy Preston a eu ce privilège par la suite pour les sessions de « Let it Be ». Pour des raisons contractuelles très strictes (Eric Clapton enregistrait sous l’étiquette Polydor), son nom ne pouvait pas être mentionné dans les crédits de l’album. Pour cette même raison, George Harrison qui a coécrit la chanson « Badge », parue sur un album du groupe Cream, a utilisé le pseudonyme L’Angelo Misterioso.